Noëlie Ndiaye
- Unite de recherche migrations et sociétés (URMIS)
- Doctorante, Université de Paris, École doctorale Sciences des sociétés (ED 624)
Présentation
Des minorités invisibles : expériences croisées de l’ethnicisation et de la racialisation des Français.es d’origine indienne
Dans le paysage des études sur les populations issues de l’immigration postcoloniale française, certaines histoires restent en marge des représentations collectives et des discours dominants. C’est notamment le cas des Français.es d’origine indienne issu.es de la colonisation française, dont l’histoire reste méconnue tant dans l’espace public que dans la littérature scientifique. Présente depuis plusieurs générations en métropole comme dans les DROM, cette population demeure absente du récit national, malgré une citoyenneté française souvent ancienne. Cette thèse propose ainsi d’explorer les expériences minoritaires des Français.es d'origine indienne, en particulier des descendant.es des Pondichériens de nationalité française et des engagé.es indien.nes des DROM (Départements et Régions d'Outre-Mer). Car ces populations issues de l'histoire coloniale française sont confrontées à des processus complexes d'ethnicisation et de racialisation, influençant leur sentiment d'appartenance et leur positionnement dans la société française contemporaine. Il s’agira donc de combler un vide dans la littérature scientifique en s’intéressant à ces groupes souvent oubliés dans les représentations nationales et les discours dominants.
Ces Français.es d'origine indienne partagent une histoire coloniale singulière. Les Pondichérien.nes ont acquis la citoyenneté française dès le XIXe siècle, ce qui les a exclus du système de castes et leur a conféré un statut particulier leur permettant d'accéder à des opportunités professionnelles et sociales plus favorables que celles offertes à d'autres populations colonisées. En revanche, les Français.es ultramarins descendants d'engagé.es indien.nes sont issu.es d'une migration liée à l'asservissement "volontaire" après l'abolition de l'esclavage et ont été intégré.es dans un système colonial marqué par des hiérarchies raciales complexes, où ils.elles occupaient une position marginale. Par la suite, ils.elles ont été confronté.es à des dynamiques migratoires utilitaristes vers la métropole, qui les ont assignés à des emplois peu qualifiés en particulier dans la Fonction publique.
Malgré leur citoyenneté de longue date, ces populations sont souvent perçues en France métropolitaines comme "Autres" en raison de leur apparence phénotypique. Cette expérience plus ou moins continue de l’altérisation les place face à un "vide catégoriel" au sein des classifications raciales en vigueur en France. Car contrairement aux contextes britannique ou américain où des termes comme "South Asian" ou "Brown" permettent une identification collective, la France ne dispose pas d’une terminologie équivalente.
Ainsi, cette thèse vise à analyser les tensions entre auto-identification et assignation raciale, en explorant comment ces populations se définissent et sont définies dans un contexte postcolonial. Elle cherche à comprendre les processus d'ethnicisation et de racialisation qui façonnent leurs identifications, tout en mettant en lumière les mécanismes de transmission intergénérationnelle des normes et pratiques identitaires. En rapprochant les expériences des Français.es d'origine pondichérienne et des Français.es ultramarins descendant.es d'engagé.es indien.nes, elle cherchera à analyser les similitudes et différences dans leurs expériences minoritaires et leurs processus d'identification. En croisant les récits de plusieurs générations, elle explorera les processus de transmission des normes, valeurs et pratiques au sein des familles sur le temps long et les effets croisés des socialisations de genre, de classe, d'ethnicité et de race sur les trajectoires des membres d'une même lignée. Cette approche générationnelle permettra d’étudier comment les catégories raciales évoluent, comment le rapport au racisme et au stigmate se transforme, et comment ces expériences se transmettent et se recomposent au fil du temps.
Encadrement:
Sous la direction de Christian Poiret (sociologue à l'URMIS).