Stéphane Simonian

Depuis la recherche doctorale conduite sur les effets du type de structuration hypertextuelle du corpus de savoirs sur les processus cognitifs (mémoriser, reproduire, généraliser), trois fils conducteurs apparaissent clairement et ont été l’objet de l’Habilitation à Diriger les Recherches, soutenue le 17 novembre 2014, intitulée « L’affordance socioculturelle : une approche éco-anthropocentrée des objets techniques. Le cas des environnements numériques d’apprentissage ». Le premier fil conducteur concerne l’étude du couplage sujet-objet, ou environnement phénoménal/environnement physique, qui constitue le fondement même du concept d’affordance (Simonian, 2020, 2022 ; Reyssier et Simonian, 2021) Une telle approche privilégie l’étude que les humains entretiennent avec un environnement instrumenté (approche anthropocentrée), en contraste avec une approche se focalisant davantage sur les propriétés des objets techniques et de leurs combinaisons dans ce même environnement (approche technocentrée). Le deuxième fil conducteur concerne la pertinence d’une approche « écologique » en sciences de l’éducation et de la formation, impliquant l’analyse dynamique et relationnelle d’une activité d’apprentissage en situation réelle (Simonian, 2020, 2022). Cette orientation permet de franchir un pas de plus vers le concept d’affordance qui ne peut se réduire à l’influence d’une entité externe (valence de l’objet technique ou caractéristique des sujets) en vue d’une action donnée mais par la possibilité même qu’il permet de créer (approche moniste). Le troisième fil conducteur concerne la perspective « phénoménotechnique » : si tout objet technique et, plus largement, tout environnement numérique, peut être considéré comme une matérialisation de la rationalité humaine, jusqu’où est-il possible de conclure qu’il permet d’identifier des phénomènes spécifiques à ce type d’environnement. C’est la recherche de ces spécificités qui anime les études effectuées en engageant, in fine, un débat sur les possibilités qu’offre un artefact dans sa mise en relation avec un sujet et, de manière plus générale, avec un environnement socioculturel dans la perspective de concevoir un espace signifiant de possibilités. Ce type d’espace est appelé « affordance socioculturelle » pour rendre compte de la fonction médiatrice et régulatrice du couplage environnement phénoménal/environnement physique mais aussi de leur régénérescence par les nouvelles possibilités de ce couplage au-delà même de l’efficience fonctionnelle du sujet ou de l’artefact, en s’inscrivant dans des dynamiques historiques et socioculturelles (Simonian et Magogeat, 2021). Les travaux empiriques portent sur les conditions favorables à la réalisation d’une activité d’apprentissage instrumentée, comprenant la réussite des apprentissages au sein de ce type d’environnement, les processus de professionnalisation et, plus généralement, sur les problématiques autour de l’intégration d’un artefact technique – aujourd’hui numérique – dans l’activité humaine. L’artefact technique est ici considéré comme une transducteur, au sens de Simondon, de l’activité humaine comprenant, pour partie, ses dimensions historiques, sociotechniques et socioculturelles. Dans cette perspective, l’approche écologique de l’affordance socioculturelle est mobilisée pour étudier les propriétés permettant la formation de l’unité sujet-artefact-activité-environnement, sachant d’une part que ces artefacts s’inscrivent dans un cadre sociopolitique ; et d’autre part, qu’ils impliquent des processus de coordination et communication essentiels à compréhension des phénomènes de mise en œuvre d’une injonction institutionnelle promouvant des environnements instrumentés. C’est pourquoi la finalité des études qui portent sur l’affordance dans sa dimension socioculturelle et sociohistorique vise la compréhension du développement humain dans une approche holistique et écologique.